Nick Halloway, un cadre arrogant, à qui tout semble réussir, devient accidentellement invisible. Des agents secrets du gouvernement américain tentent alors de le capturer pour le faire travailler sous leurs ordres.
Après le bide commercial retentissant de Les aventures de Jack Burton dans lesgriffes du mandarin (1986), tourné pour la 20th Century Fox, John Carpenter s'estplacé hors du circuit des grands studios en tournant, en toute liberté, deux petitesproductions pour la compagnie Alive : Prince des ténèbres (1987) et InvasionLos Angeles (1988). Peu onéreux (chacun coûtait environ quatre millions dedollars), ses films s'avèrent tout à fait rentables. Carpenter reprend donc confianceet, après plusieurs années d'inactivité, accepte de réaliser une grosse production(quarante millions de dollars) pour la grand compagnie Warner Bros : Les aventuresd'un homme invisible. Ce projet est en fait une idée de l'acteur Chevy Chase : venude la troupe de l'émission télévisée Saturday Night Live, ce comique connut, au débutdes années 1980, des gros succès au cinéma, comme Caddyshack (1980) de HaroldRamis, et surtout Bonjour les vacances (1983) du même réalisateur, quiconnaîtra trois suites au cinéma. Pourtant, son étoile commence à pâlir au début desannées 1990, avec notamment Nothing but trouble (1991) de Dan Aykroyd, qui estun fiasco. Chase avait acquis les droits du roman Les aventures d'un homme invisible dès1986. Il affirme ensuite être convaincu que Carpenter serait le réalisateur idéal, car,avec Starman (1984), ce dernier avait réussi à mêler avec succès fantastiqueet romance. Or, Chase envisage justement de changer d'image de marque : lasser de jouerles rigolos, il veut tenir un rôle sérieux, dramatique. Outre Chevy Chase, le castingmet aussi en vedette Daryl Hannah (Blade runner (1982) de Ridley Scott, Splash(1984) de Ron Howard...) et Sam Neill (Calme blanc (1989), Jurassic park(1993) de Steven Spielberg, L'antre de la folie (1995) de John Carpenter...).
A priori, la présence de Chevy Chase dans le rôle de ce nouvel homme invisible aurait pufaire penser qu'on allait voir ce sujet traité à la manière d'une comédie. Et,effectivement, on retrouve bien certains éléments comiques dans ce film. Néanmoins, lastructure de base de cette histoire est avant tout celle d'un récit d'espionnage :Carpenter avouait lui-même avoir voulu inscrire Les aventures d'un homme invisible dansla tradition du classique La mort aux trousses (1959) d'Alfred Hitchcock, danslequel des espions traquait Cary Grant et tentait de l'assassiner parce qu'il le prenaitpour un agent ennemi. D'ailleurs, le personnage interprété ici par Sam Neill rappellefortement la froide cruauté de celui incarné par James Mason dans La mort auxtrousses. La première demi-heure de Les aventures d'un homme invisible évoquedonc très nettement une comédie fantastique d'espionnage, dans laquelle le thème del'invisibilité est traité sur un ton à la fois comique (les situations sontcocasses...) et aigre (...mais elles sont aussi assez tragiques). Le résultat paraîtalors manqué un brin d'originalité : le style un peu quelconque de la réalisation donneplus l'impression de regarder une oeuvre de John Landis (Innocent blood(1992)...) ou de Joe Dante (Gremlins (1984)...) qu'un film de Carpenter.Pourtant, cela se regarde sans ennui.
A partir du moment où Nick se réfugie dans la villa, le récit va bifurquer vers uneapproche plus dramatique, et aussi plus romantique. La relation amoureuse avec Alice vaprendre le pas sur le récit d'espionnage et sur les projets de vengeance de Nick, si bienque ces éléments semblent laisser une impression embarrassante d'inachevé. Chevy Chaseparaît vouloir prendre son public à rebrousse-poil en jouant un personnage tragique,mais tout cela est pourtant terriblement prévisible. Qui plus est, la satire"anti-yuppie" manque terriblement de mordant, ce qui est tout de même décevantde la part du réalisateur qui venait de tourner le très engagé Invasion Los Angeles.
Quand, en fin de compte, Les aventures d'un homme invisible se conclut surquelques médiocres scènes d'action censées ramener le spectateur dans l'intrigued'espionnage, celle-ci ne l'intéresse déjà plus guère, lassé qu'il est d'êtreballotté d'un film à l'autre au gré d'un script mal équilibré, dont les diverséléments semblent mal s'emboîter. Certes, on trouve une réalisation compétente, debons acteurs et des effets spéciaux tout à fait surprenants. Mais le résultat, poursoigné qu'il soit, reste tout de même assez quelconque. Carpenter avouera lui-même sadéception, considérant qu'il s'était fait avoir par les cadres de Warner qui ne lui ontpas donné le temps de bien faire son travail et qui ont remonté contre son grécertaines parties du film.
Les aventures d'un homme invisible est donc un film assez décevant dans l'oeuvrede Carpenter. A sa sortie, ce sera un gros échec commercial, aussi dur pour Chevy Chaseque pour Carpenter. Ce dernier se fera alors discret : il travaille avec Tobe Hooper surun film à sketchs pour la télévision (Body Bags (1993)), mais il faudraattendre 1995 pour le voir sortir deux films au cinéma : le décevant Le village desdamnés (1995) et le chef-d'oeuvre L'antre de la folie. Avec Hollow man(2000) de Paul Verhoeven, on verra à nouveau le thème de l'homme invisible traité dansune grosse production américaine, cette fois sur un ton clairement horrifique.
Bibliographie consultée :